Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/111

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GUIDERIUS. — Je le sais parfaitement ce que j’ai fait : j’ai coupé la tête d’un certain Cloten, fils de la reine, d’après ses propres dires, lequel m’avait appelé traître montagnard, et avait juré qu’il nous prendrait tous.avec sa seule main, qu’il changerait nos têles de la place où elles sont encore, — loués en soient les Dieux ! — et les planterait sur les murs de la ville de Lud.

BELARIUS. — Nous sommes tous perdus !

GUIDERIUS. — Pourquoi, noble père ? qu’avons-nous à perdre, sinon ce qu’il jurait de nous enlever, nos existences ? La loi ne nous protège pas : pourquoi alors serions-nous assez délicats pour laisser un arrogant morceau de chair nous menacer, faire à la fois les rôles de juge et de bourreau, tout cela de sa seule autorité, parce que nous craignons la loi ? Quelle escorte avez-vous découverte aux environs ?

BELARIUS. — Nous n’avons pas aperçu une seule âme, mais le bon sens dit qu’assurément il devait avoir quelques personnes d’escorte. Quoique son humeur ne fût que changement, — et changement de mal en pire encore, — il n’y a pas de frénésie, de complète folie, qui ait pu le faire délirer au point de l’amener seul ici. — Il est possible qu’on ait dit à la cour que des gens répondant à notre signalement logeaient ici dans une grotte, chassaient ici, menaient la vie de proscrits, et à l’occasion pourraient entreprendre quelque coup audacieux : en apprenant ce fait, peut-être aura-t-il eu un accès de fureur, — cela lui ressemblerait, — et aura-t-il juré de venir nous empoigner ; mais il est improbable qu’il soit venu seul pour exécuter une chose semblable, ou que les personnes de la cour l’aient laissé faire : notre crainte a donc de bons fondements, si nous craignons que ce corps n’ait une queue plus dangereuse que la tête.

ARVIRAGUS. — Qu’il en arrive comme les dieux l’ont d’avance décrété : quelque chose qui advienne, mon frère a bien fait.

BELARIUS. — Je n’avais pas de cœur à la chasse aujour-