Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/128

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que d’autres se laissaient tomber à terre par simple frayeur ; si bien que l’étroit défilé était obstrué de morts blessés par.derrière, ou de lâches qui vivaient pour mourir, après un déshonneur prolongé.

LE SEIGNEUR. — Où était ce défilé ?

POSTUDMUS. — Tout près du champ de bataille, en forme de tranchée, et fortifié de remparts de gazon, avantage qu’à saisi un vieux soldat, et un brave soldat, je vous en réponds ; celui-là a bien’ mérité de vivre aussi vieux qu’en témoigne sa barbe, blanche pour rendre ce service à son pays. Suivi de deux bambins, — gars plus faits pour jouer aux barres que pour accomplir un tel carnage, porteurs de visages faits pour des masques, ou pour mieux dire plus blancs que ceux qui se protègent du masque par pudeur ou par précaution contre le soleil, — il s’est ouvert le passage à travers le défilé, criant à ceux qui fuyaient :. « Ce sont nos daims et non pas nos hommes de Bretagne qui meurent.en fuyant : allez au séjour dès ténèbres, âmes qui fuyez ! Arrêtez, ou bien nous serons pour vous des Romains, et nous vous donnerons comme à des bêtes cette mort que vous fuyez comme des bêtes, et que vous pourriez éviter, en vous, retournant et en la regardant en face avec résolution : arrêtez, arrêtez ! » Ces trois hommes, fermes. comme trois mille, et en valant autant que trois mille dans cette action, — car trois combattants sont un front d’.armée dans.une position où les autres ne peuvent pas agir,secondés par l’avantage de la situation, et plus encore par le sortilège de leur noblesse qui aurait été capable de transformer un fuseau en lance, rendirent l’étincelle aux yeux éteints d’effroi ; la honte s’éveille chez les uns, . chez les autres le courage, si bien que ceux qui n’avaient été lâches que par imitation — oh ! c’est à la guerre un crime maudit que de donner le premier un tel exemple ! ~ se retournèrent, et parcourant du regard le chemin qu’ils avaient.fait, commencèrent à rugir comme les lions devant les piques des chasseurs. Alors les poursuivants ont commencé par s’arrêter, puis ils ont reculé ; puis est