Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/129

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arrivée une débâcle, une épaisse confusion : les voilà qui s’enfuient comme des poulets par le chemin où ils s’étaient abattus comme des aigles, et qu’ils refont captifs les mêmes pas qu’ils avaient faits vainqueurs : et maintenant nos lâches, — pareils à des débris de provisions dans un dur voyage, — : commencent à devenir des auxiliaires d’existence pour ceux qu’assiège le péril ; trouvant ouverte la porte de derrière de coeurs qui n’étaient plus gardés, oh ciel, comme ils frappent ! les uns ceux qui étaient déjà morts, les.’autres les mourants, quelques-uns leurs amis qui avaient été portés en avant par les premières vagues : tout à l’heure, dix étaient chassés par un seul ; maintenant chacun de ces dix devient l’égorgeur de vingt : les mêmes gens qui aimaient mieux mourir que de résister sont devenus les terreurs mortelles du champ de bataillei.

LE SEIGNEUR. — Voilà une étrange aventure ! un étroit défilé, un vieillard et deux enfants !

POSTHUMUS. — Parbleu ! ne vous en étonnez pas : mais vous êtes fait, plutôt pour vous étonner des choses que vous entendez dire que pour en accomplir aucune. Youiez-vous rimer là-dessus, et en faire le sujet d’une épigramme ? En voici une :

Deux enfants, un. vieillard double enfant, un étroit

chemin, Sauvèrent le Breton, perdirent le Romain..

LE SEIGNEUR. — : Voyons, ne vous mettez pas en colère. Monsieur.

POSTHUMUS. — Hélas ! et pourquoi serais-je en colère ? Je consens bien volontiers à être l’ami de quiconque fuit son ennemi ; car s’il agit conformément à sa nature, je sais qu’il fuira bien vite aussi mon amitié. Vous m’avez mis en veine d’épigrammes 2.

LE SEIGNEUR. — Adieu ;. vous êtes en colère. (Il sort.)

POSTHUMUS. — Le voilà qui fuit encore ? — Et’c’est un Seigneur ! Oh, noble bassesse ! se trouver sur le champ de bataille et me demander, quelles nouvelles ? Combien au-