Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

flancs, que la victoire serait nécessairement restée aux Danois, s’il n’avait apparu au bon moment, et, pensa-t-on, par l’ordre exprès du Dieu toutpuissant, un homme pour recommencer la bataille.

« En effet, il sétrouva qu’il y avait en ce moment-là d^ns un champ voisin un laboureur avec deux de ses fils occupés à leur travail. Il se nommait Haie ; c’était un homme vigoureux, d’une charpente solide, et animé d’un Taillant courage. Ce Haie voyant le roi avec la plus grande partie de ses nobles qui combattaient au centre avec grande vaillance, en danger d’être écrasé par ses ennemis maintenant qu’il avait perdu les ailes de son armée, s’arme d’un soc de charrue, et exhortant ses fils à faire comme lui, se dirige vers le champ de bataille.... Il y avait près de ce champ de bataille un long sentier flanqué sur ses côtés de fossés et de remparts de gazon, par lequel les Écossais s’enfuyaient, mais pour y être égorgés par leurs ennemis.

« Haie et ses fils supposant qu’en cet endroit ils pourraient surtout arrêter cette déroute, se placèrent en travers du sentier, et repoussèrent ceux qu’ils trouvèrent fuyants sans épargner amis ni ennemis ; tous ceux qui arrivaient à portée de leur bras étaient abattus, si bien qu’enfin certains guerriers ayant repris cœur crièrent à leurs camarades de se retourner et de combattre.)) (EOL-UNSHED, Histoire d’Écosse.)

Ce récit est curieux en plus d’un sens, mais surtout en ce qu’il nous représente au naturel ce qu’était une bataille dans ces temps héroïques, bien moins meurtriers qu’on ne le croit. La vie générale n’était pas plus.troublée par la guerre qu’elle ne l’est de nos jours par les rixes des malandrins auxquels il peut prendre fantaisie de se frotter mutuellement l’échiné. Voici une bataille furieuse-êntrë deux armées ennemies, et pendant ce. temps, .un paysan et ses fils sont occupés à labourer tranquillement leur champ, levant seulement la tête de temps à autre pour jouir du spectacle, dans les moments où il devient plus particulièrement intéressant. Telle fut la guerre jusqu’à l’invention de l’artillerie et la création des armées permanentes. On était toujours en guerre, il est vrai, mais cette guerre ne dépassait jamais un très-petit rayon ; cenx qui en souffraient étaient les combattants seuls, et encore n’en souffraient-ils pas toujours beaucoup. Petites étaient les armées en présence, et la perte de cent hommes équivalait à une défaite. À la bataille d’Anghiaiï, une des pins célèbres de l’histoire florentine, il y eut un homme tïié ; — Machiavel dit qu’il ’yn en eut aucun : et il avait fallu emporter un pont cinq ou six fois, et la bataille avait été recommencée à diverses reprises. C’est le cas de dire en variant quelque peu le vers de Voltaire :

O l’heureux temps que celui de ces guerres I

Nous sommes loin des merveilles meurtrières du canon rayé, du fusil à aiguille, du fusil Chassepot, et autres engins de destruction aussi ingénieux qu’impitoyables. L’humanité progresse, on le voit, mais elle se châtie solidement de ses progrès, ffîote écrite avant la dernière guerre.)

2. In rhymê, dit le texte, en veine de rimer. En effet, les quatre der«*