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AVERTISSEMENT

diques sans caractère, une vieille femme charitable chez qui Genevra raccommode et rajuste les guenilles de son costume masculin, et un seigneur catalan, nommé Encarach, capitaine de navire, qui, touché de sa figure, consent à la prendre à son service comme page, et l’embarque à bord de son vaisseau, qui fait voile pour Alexandrie. Arrivé dans cette ville, Sicurano de Final (c’est le nom d’homme qu’a pris Genevra, et que Shakespeare a traduit par celui de Fidèle) plaît au Soudan, et le capitaine Encarach le cède à ce prince.

Il y avait à Saint-Jean-d’Acre une foire annuelle où abondaient les commerçants de tous les pays. L’époque de cette foire étant arrivée, Sicurano reçut du Soudan commission de s’y rendre, en qualité de commandant du corps de troupes chargé de veiller à l’ordre. Or, un jour que Genevra inspecte les boutiques des marchands italiens, qu’elle se plaisait particulièrement à fréquenter, elle arrive près de la boutique d’Ambrogiuolo de Plaisance, et reconnaît parmi les marchandises une ceinture et une bourse qui lui avaient appartenu. Elle en demande le prix, et le cynique Ambrogiuolo répond en riant que ces objets ne sont pas à vendre, mais que s’ils peuvent faire plaisir au jeune capitaine, il les lui cédera volontiers ; puis, toujours facétieux, il raconte, à la face même de Genevra, comment il les tient de son amour, qu’elle n’a jamais soupçonné, et comment son mari, après avoir perdu cinq mille florins d’or, furieux de se savoir trompé, a fait assassiner sa femme.

Gènevra, soudainement éclairée, prend le parti de rire avec Ambrogiuolo de cette aventure tout à fait plaisante, et, feignantde s’intéresser à lui, l’attire à Alexandrie en lui faisant espérer qu’il trouverait à s’y débarrasser de ses marchandises invendues. En même temps ses stratagèmes réussissent à amener son mari dans la même ville. Elle présente Ambrogiuolo au Soudan, et lui fait raconter son histoire, que le souverain trouve à son tour singulièrement récréa-