Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/47

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sert merveilleusement à le grandir, ne fût-ce qu’en contribuant à fortifier son jugement à elle, jugement que sans cela on pourrait aisément mettre à bas, en l’amenant à s’apercevoir qu’elle a choisi un mendiant sans autres qualités. Mais comment se fait-il qu’il vienne séjourner avec vous ? Comment est née votre connaissance ?

PHILARIO. — Son père et moi nous fûmes compagnons d’armes, et à ce père je fus souvent redevable de rien moins que de la vie. — Voici venir le Breton : qu’il soit reçu par vous comme doit l’être un étranger de sa qualité par des gentilshommes de votre éducation.

Entre POSTHUMUS.

PHILARIO. — Je vous en prie tous, faites bonne connaissance avec ce gentilhomme, que je vous recommande comme un de mes nobles amis : à quel point montent ses mérites, je le laisserai lui-même vous en donner les preuves par la suite, au lieu de le louer à ses propres oreilles.

LE FRANÇAIS. — Seigneur, nous nous sommes connus à Orléans.

POSTHUMUS. — Depuis lors j’ai toujours été votre débiteur pour vos courtoisies, courtoisies que je ne cesserai de vous payer sans pouvoir cependant m’acquitter.

LE FRANÇAIS. — Seigneur, vous appréciez trop haut mon pauvre service : je fus heureux de vous réconcilier mon compatriote et vous ; c’eût été-pitié que vous en fussiez venu aux prises avec la colère mortelle qui possédait alors chacun de vous, pour une occasion de si triviale et si légère nature.

POSTHUMUS. — Je vous demande pardon, Seigneur ; j’étais alors un jeune voyageur ; j’évitais plus volontiers de me conduire d’après mes propres connaissances que de me laisser guider dans mes actions par l’expérience des autres : mais, d’après mon jugement aujourd’hui plus mûr (si je ne vous offense pas en vous disant qu’il est plus mûr), ma querelle n’était pas du tout légère.