Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/48

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LE FRANÇAIS. — Si, sur ma foi, elle était trop légère pour être soumise à l’arbitrage des épées, et par deux hommes qui, selon toute apparence, se seraient abîmés l’un l’autre, ou se seraient tués tous les deux.

IACHIMO. — Pourrions-nous, sans manquer à la politesse, demander quel était le sujet de la querelle ?

LE FRANÇAIS. — Sans inconvénient, je crois. : ce fut une dispute en public, qui peut, sans donner crainte de s’attirer les réclamations de personne, être rapportée. C’était beaucoup’ une discussion comme celle qui fut soulevée la nuit dernière, lorsque nous nous mîmes tous à tour de rôle à chanter les louanges de nos maîtresses de nos divers pays : ce jour-là, ce gentilhomme soutenait (et cela sur la garantie de son sang) que sa maîtresse était plus belle, plus ; vertueuse, plus sage, plus chaste, plus constante, plus réservée, et moins accessible à.la séduction qu’aucune des plus rares parmi nos Dames de France.

IACHIMO. — Cette Dame n’est’plus vivante aujourd’hui ou bien l’opinion de ce gentilhomme, à l’heure qu’il est, doit être détruite.

POSTHUMUS. — Elle conserve toujours sa vertu, et moi mon opinion.

IACHIMO. — Vous ne devez pas lui donner le pas à ce point-là sur nos Dames d’Italie.

POSTHUMUS. — Si j’étais provoqué au point où je le fus en France, je ne rabattrais rien de mon opinion, quand même je devrais passer pour en être superstitieusement idolâtre plutôt que pouf en être amoureux.

IACHIMO. — Si vous aviez dit, par une comparaison qui aurait conservé l’égalité, qu’elle était aussi belle et aussi bonne que nos Dames d’Italie, cette louange eût été encore trop belle et trop bonne pour n’importe quelle Dame de Bretagne. Si elle avait une supériorité aussi certaine sur d’autres que j’ai vues, que votre diamant que voici dépasse le lustre de la plupart de ceux que j’ai admirés, je serais bien forcé de croire qu’elle est au-dessus de beaucoup de femmes ; mais je n’ai pas vu le plus précieux diamant qui existe, ni vous la plus précieuse Dame.