Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/74

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aussi lointain pour jouir d’une seconde nuit aussi délicieusement courte que celle que j’ai passée en Bretagne ; car la bague est gagnée.

POSTHUMUS. — Le diamant est trop dm pour céder.

IACHIMO. — Pas le moins du monde, puisque votre femme est si facile.

POSTHUMUS. — Seigneur, ne vous faites pas une plaisanterie de votre défaite : j’espère que vous savez que nous ne pouvons pas continuer à être amis.

IACHIMO. — Nous pouvons continuer à l’être, mon bon Seigneur, si vous tenez nos conventions. Si je ne vous rapportais pas la connaissance bien complète de votre maîtresse, j’accorde que nous devrions pousser les choses plus loin : mais je me déclare à cette heure le conquérant de son honneur en même temps que de votre bague, et je ne suis ni votre offenseur, ni le sien, puisque je n’ai agi que d’accord avec vos volontés à tous les deux.

POSTHUMUS. — Si vous prouvez d’une manière évidente que vous avez tâté de sa couche, voici ma main, et voici ma bague : s’il en est autrement, l’indigne opinion que vous avez eue de son honneur sans tache conquiert ou perd votre épée ou la mienne, ou bien les laisse toutes les deux sans maîtres à la disposition du premier venu qui les trouvera.

IACHIMO. — Seigneur, mes preuves portent tellement le visage de la vérité que lorsque je vous les donnerai, elles commenceront par vous forcer de croire : mon serment confirmera encore leur évidence ; mais, je n’en doute pas, ce serment vous me l’épargnerez, lorsque vous découvrirez que vous n’en avez pas besoin.

POSTHUMUS. — Exposez vos preuves.

IACHIMO. — En premier lieu, sa chambre à coucher, — où, je le confesse, je ne dormis point, mais où j’obtins une chose qui valait bien la peine de veiller, je vous en réponds, — est tendue d’une tapisserie en soie et argent ; le sujet qu’elle représente est celui de la fière Cléopatre allant à la rencontre de son Romain, et le Cydnus débordant sur ses rives, soit d’orgueil, soit sous le poids des