Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/90

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l’autre ? et si la fatigue contraint enfin la nature, est-ce dormir d’un sommeil interrompu par.un rêve effrayant qui le concerne, et me réveiller en criant ? est-ce lace qui s’appelle être fausse à son lit ? est-ce cela ?

PISANIO. — Hélas, bonne Dame !

IMOGÈNE. — Moi, fausse ? j’en prends à témoin ta conscience, — Iachimo, tu l’accusas d’incontinence ; à ce moment-là tu me fis l’effet d’être un scélérat ; maintenant il me semble que ton visage était suffisamment honnête. Quelque geai femelle d’Italie toute composée d’artifices l’aura séduit. Je suis un vêtement suranné, passé de mode, et comme je suis de trop riche étoffe pour être pendue aux murailles, je dois être découpée 6 :qu’on me mette en pièces ! Oh ! les serments, des hommes sont les vrais traîtres des femmes ! 0 mon époux, grâce à ta mauvaise action, tous les vertueux dehors seront désormais regardés comme des vêtements mis par scélératesse, séparables de celui qui les présente, et. seulement affichés comme une amorce pour séduire les femmes.

PISANIO. — Bonne Madame, écoutez-moi.

IMOGÈNE. — Lorsque Enée eut été faux, bien des hommes honnêtes, à son époque, furent tenus pour faux comme lui : les pleurs de Sinon décrièrent plus d’une sainte. larme, et privèrent de pitié plus d’un malheur bien réel : de même, toi Posthumus, tu seras le levain qui aigrira la réputation de, tous les hommes de nobles mœurs ; les vaillants et les vertueux seront, à cause de ta grande erreur, tenus pour faux et parjures. — Allons, mon ami, sois honnête : exécute le commandement de ton maître : lorsque tu le verras, rends un peu témoignage à mon obéissance : regarde ! je tire moi-même l’épée :. prends-la, et frappe l’innocent palais de mon amour, mon ’ cœur : ne crains pas ; il est vide de toutes choses, sauf de douleur : ton maître n’y est plus, ton maître qui en était la vraie richesse : exécute ses ordres, frappe. Tu peux bien être vaillant dans une meilleure cause ; mais à cette heure tu parais couard.