Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/94

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PISANIO. — Pour commencer, prenez-en l’aspect. En prévision de la chose, je me suis déjà pourvu, — tout cela est dans mon sac de voyage, — d’un pourpoint, d’un haut-de-chausses, d’un chapeau, de toutes les différentes pièces d’un costume d’homme. Voulez-vous vous en revêtir, et, imitant avec autant de perfection que vous le pourrez les manières d’un jeune homme de votre âge, vous présenter devant le noble Lucius, solliciter ses services, lui dire quels sont vos talents, — qu’il appréciera bien vite s’il a l’oreille musicale ; — incontestablement, il vous accueillera avec joie ; car il est plein d’honneur, et d’une piété qui double cet honneur. Quant à vos moyens d’existence à l’étranger, disposez de moi qui suis riche, et je ne vous laisserai pas manquer de ressources ni maintenant, ni par la suite.

IMOGÈNE. — Tu es tout l’appui que les Dieux veulent me laisser. Je t’en prie, partons : il y a bien d’autres choses à considérer ; mais nous les exécuterons à mesure que l’occasion propice nous le permettra : j’affronte cette entreprise avec l’audace d’un soldat, et je la soutiendrai avec le courage d’un prince. Partons, je t’en prie.

PISANIO. — Bien, Madame, nous devons nous séparer sur un court adieu, de crainte que si on remarque mon absence, je ne sois soupçonné d’avoir favorisé votre évasion de la cour. Ma noble maîtresse, prenez cette boîte ; elle me vient de la reine ; son contenu est précieux : si vous êtes malade sur mer, ou que vous ayez des douleurs d’estomac sur terre, une goutte dé cet élixir chassera toute indisposition. — Cherchons quelque endroit écarté, et costumez-vous pour votre rôle d’homme : — puissent les dieux vous mener à bon port !

IMOGÈNE. — Amen : je te remercie. (Ils sortent.)