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DE DELACROIX AU NÉO-IMPRESSIONNISME

4. Le public se soucie beaucoup plus du sujet d’un tableau que de son harmonie. Comme le constate Ernest Chesneau :

« Les mieux doués, parmi ceux qui forment le public des expositions, ne paraissent pas soupçonner qu’il est nécessaire de cultiver ses sens pour atteindre à la pleine jouissance des plaisirs intellectuels dont les sens ne sont que des organes sans doute, mais les organes essentiels. On ne se doute pas assez qu’il faut avoir le regard juste pour comprendre et juger — je veux dire goûter — la peinture, la statuaire ou l’architecture, autant que l’oreille juste pour goûter la musique. — Suivant jusqu’au bout la comparaison, qui est rigoureuse, ajoutons que le regard comme l’oreille, même naturellement justes, ont besoin d’une éducation progressive pour pénétrer dans toutes leurs délicatesses l’art des sons et l’art des couleurs. »
« La Chapelle des Saints-Anges à Saint-Sulpice. »
(L’Art — Tome xxviii.)aint-Sulpice. »

Même, la plupart des peintres sont insensibles au charme de la ligne et de la couleur. Ils sont rares, les artistes qui pensent, avec Ruskin : « La dégradation est aux couleurs ce que la courbure est aux lignes », et, avec Delacroix : « Il y a des lignes qui sont des monstres, deux parallèles. » Les peintres de notre temps ont d’autres préoccupations que ces principes de beauté. Nous pouvons affirmer qu’il n’en est pas un sur cent qui se soit donné la peine d’étudier cette partie primordiale de son art. Gavarni déclare, à propos des tableaux du maître :

« C’est du barbouillage de paravent… Ça tient du torche-cul et du papier de tenture ; puis là-dessus des gens qui viennent parler au