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Chroniques du Temps passé.

ânes dérobés dans les fermes, simuler des tournois entre eux et se gaudir d’avoir des montures à leur gré, durant que les misérables se lamentaient et pleuraient leurs bourriques avec plus de larmes que s’ils eussent perdu leurs femmes. Car, en ce temps maudit, comme au benoît siècle où nous sommes, les gens de la campagne française aimaient fort leur bien et étaient plus sensibles au défaut de bêtes utiles que de conjugales tendresses.

Il n’y avait au monde, je crois, que le tanneur Guillaume pour soutenir que le pays était enchanté de cet état et que la guerre est un divertissement dont une grande nation ne saurait se passer.

Il est vrai qu’il raisonnait de ces choses en homme qui demeure dans une bonne ville tranquille où arrive seulement l’écho lointain des batailles. Tels on voit communément ceux qui sont couchés dans un bon lit entendre avec plaisir l’orage se ruer au dehors en grêle, tonnerre et pluie ; et tout bas ils s’applaudissent d’être ainsi bien à couvert pendant que d’autres sont meurtris par la foudre ou percés par l’ondée, le spectacle des misères d’autrui étant délectable au plus grand nombre d’entre nous, ce qui prouve bien que nous