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Le Conte de l’Archer.

poussière soulevée par ses pas, à une constellation émergeant d’une légère nuée.

Et lui, Tristan, marchait en arrière, escortant son mulet dont Cœur-de-Cuir venait de temps en temps caresser l’échine pelée, là où la couleuvrine ne la couvrait pas, du bout cinglant de son bâton, ce qui était non moins désagréable à Tristan qu’à la bête. Car vous savez qu’il était de douce nature et contemplait les animaux comme des frères que nous devons protéger et non frapper injustement. Et rien n’était plus mélancolique au monde que les pensées du pauvre garçon. Car il ne pouvait détacher son cœur de la maison abandonnée où il l’avait laissé, et, chacun des pas qu’il faisait l’en éloignant davantage, il éprouvait comme un déchirement sans cesse accru de son être, dont le meilleur était, pour ainsi parler, absent de lui-même. Qui de nous n’a connu de ces heures cruelles où tout nous fait subitement défaut de ce qui était tout pour nous ? C’est mourir vraiment que de traverser pareilles épreuves, car c’est quitter tous les bonheurs de la vie pour n’en conserver que les misères ! Aussi bien dirais-je que le trépas vaut mieux puisqu’il emporte à la fois les uns et les autres, le mauvais et le bon.

Et malgré lui il pensait à l’existence effroyable