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Le Conte de l’Archer.

surées par les dangers et dénombrées par la voix du canon.

— Ah ! se disait-il à lui-même, ce n’est pas un mince mérite qu’il faut pour chérir encore ses parents quand ils vous jouent d’aussi méchants tours ! Mais quoi ! c’est à moi-même et à moi seul que je dois m’en prendre ! Ai-je osé jamais dire à mon père que j’étais timide à ce point, et craintif des choses de la guerre ? Je le voyais si fier de me croire vaillant que la honte me prenait de le détromper sur mon courage. Une fatalité obstinée ne m’a jamais permis de lui révéler ma couardise par quelque action d’éclat. Au contraire ! il a toujours fallu que je fisse bonne figure quand un événement inattendu mettait mon naturel à l’épreuve. L’excès de ma peur lui paraissait le triomphe du sang-froid. Allons, ce n’est ni lui ni moi qui suis coupable. C’est la destinée, et c’est elle seulement que je dois maudire !

Et ce murmurant tout bas, le malheureux sentait des larmes lui monter aux yeux. Le rêve cruel des bonheurs perdus passait dans ce voile humide comme fait un rayon de soleil à travers les rosées. C’est la réalité qu’il voulait prendre pour un mauvais songe ! Tout cela n’était qu’une illusion ! Il était encore sous le toit paternel ; on y fêtait la ré-