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Chroniques du Temps passé.

savoir même le goût du raisin pressé dans les tonnes, suivant les anciens préceptes du dieu Bacchus. Le jus vermeil de la grappe était bon pour les ignorants de ces époques passées ! Nous avons mieux aujourd’hui, au moins pour ceux d’entre nous qui souhaitent de mourir de la colique.

Frère Étienne s’approcha de Tristan :

— Or çà, petit, lui dit-il bien doucement, tu ne vas pas demeurer céans, sans rien ni manger ni boire ?

Et du large festin qu’il s’était taillé au plus charnu de la fesse d’un porc, le bon moine détacha le morceau le plus délicat pour l’offrir a son ami, lequel celui-ci dévora, bien que n’y trouvant aucun bon goût. Car c’est un des heureux privilèges de la jeunesse que les grandes émotions et les plus cruelles tristesses y respectent généralement l’appétit. Après quoi notre Tristan but à la gourde de frère Étienne une belle lampée de purée septembrale, comme on disait au temps de nos aïeux.

— Si cela ne fait pas pitié ! dit à mi-voix Cœur-de-Cuir en les regardant de travers.

Et ce repas fut le plus gai du monde, le capitaine donnant l’exemple de la soif et de la belle humeur, comme il convient à un amphitryon.