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Chroniques du Temps passé.

la crosse de son arbalète, avec un air belliqueux qui le rendait plus effroyable encore.

On descendit la couleuvrine de l’échine lassée du mulet, qui, tout aussitôt, se mit à brouter l’herbe avec la noble indifférence que les animaux apportent aux choses de la guerre. Car on nous repaît toujours l’esprit de l’aventure des héros montrant, à l’heure du péril, une tranquillité sans pareille, sans songer que de simples bêtes de traits en témoignent davantage encore.

La lourde pièce fut hissée sur son affût et les munitions furent amoncelées autour d’elle, à savoir : un tonnelet de poudre ouvert à ce propos, des étoupes, un serpent de mèche et des morceaux de ferraille tels qu’on en pût entrer par sa gueule plusieurs à la fois. Car on ignorait en ce temps-là les boulets arrondis dont un seul trace un mortel sillon dans une compagnie, et plus encore les obus sifflants qui planent et s’abattent comme de lourds oiseaux de proie.

Le nuage mouvant s’était rapproché et le doute n’était plus guère permis. La troupe qui le soulevait ne faisait pas simplement, à travers les prés, une inoffensive promenade. Elle fit halte tout à coup, et, la poussière qu’elle avait soulevée en marchant se dissipant peu à peu, l’on put distin-