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Chroniques du Temps passé.

dire à Chinon ce qu’étaient devenus le frocard et son jeune compagnon.

Au palais de dame Marie d’Anjou on savait seulement que le Roi n’avait pas été fort heureux dans ses dernières campagnes. Mais, par une ruse que les gouvernements se sont soigneusement léguée, on avait soin d’affirmer le contraire à tous venants, si bien que Louis ne pouvait essuyer quelque défaite qu’on ne chantât un Te Deum à l’église de Chinon. Et maître Guillaume Bignolet, qui était marguillier en même temps que tanneur, ne manquait pas de crier plus fort que tous les autres, louant le Dieu des armées à l’assourdir au fond de son paradis.

Et, bien qu’il n’en connût pas plus long que tous les autres, il avait coutume de faire l’entendu et le mystérieux, donnant à comprendre que, s’il lui était permis de livrer les secrets de l’État, il en aurait long à raconter. Notez qu’un tas de badauds étaient parfaitement dupés par cette attitude et prenaient la peine de l’interroger habilement. Mais je vous jure qu’ils y perdaient leur peine. Non pas que maître Guillaume ne se laissât arracher quelques mots, mais ils étaient invariablement les plus contraires du monde à la vérité. C’est ainsi qu’il avait répandu le bruit que le duc Charles