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Le Conte de l’Archer.

dame Mathurine faisait tourner son rouet, du bout de son pied, sous la flamme vacillante des chandelles.

— Ce garçon n’a de vocation que pour le mariage, répétait souvent Mathieu Clignebourde, qui songeait à l’établissement lointain d’Isabeau et savait que le tanneur avait amassé de beaux écus à racler les peaux de bêtes dans les cuves nauséabondes.

— Un soldat du Roi ne se marie point, ripostait péremptoirement celui-ci. Le commerce des femmes amollit les âmes, et je ne sais de pire malheur pour qui souhaite d’être un héros que d’être affublé de quelqu’une de ces coquines-là.

— Je vous remercie, mon ami, soupirait doucement Mathurine en renouvelant le chanvre de son fuseau.

— J’en suis pour ce que j’ai dit, ma mie, reprenait Guillaume. Assurément vous me rendez fort heureux et il n’est reproche au monde que j’aie à vous faire. Vous êtes une femme parfaite, Mathurine ; n’empêche que si feu mon père, au lieu de vous demander au vôtre qui ne consentit qu’à la condition que je prendrais aussi son commerce, m’eût laissé libre d’agir à ma guise, je serais peut-être aujourd’hui capitaine d’archers,