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Chroniques du Temps passé.

pareils à des bluets, avaient pris la teinte plus sombre et plus tendre des violettes. On eût dit qu’ils étaient baignés de rosée matinale tant l’éclat en était vif. Ses lèvres plus rouges indiquaient la santé et la belle humeur ; quant aux grâces de son corsage, je ne les veux décrire, mais imaginez deux collines de neige dont l’aurore empourpre les sommets. Ses mains blanches avaient des mouvements de tourterelles prêtes à prendre leur vol. Telle elle apparaissait à tous radieuse et souriante. Telle elle apparaissait surtout au pauvre Tristan qui voyait arriver avec angoisse l’heure de la séparation.

Non pas qu’il lui fût donné de voir sa voisine autant que par le passé ; maître Mathieu Clignebourde, qui n’avait pu pardonner au tanneur l’honneur dont la reine Marie d’Anjou l’avait à jamais enorgueilli, avait cessé ses visites à maître Guillaume et défendu à sa fille de fréquenter chez dame Mathurine. En vain frère Étienne, qui était bon diable, avait-il voulu rapprocher les deux amis. Il avait même, dans ce but, organisé à ses propres frais (la rare chose !) un repas où se devaient boire de compagnie quatre bouteilles d’un cru saumurois tout à fait renommé. Mais les deux imbéciles, ayant flairé le piège, n’étaient ni l’un ni