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Le Conte de l’Archer.

Mais votre mère n’est pas entrée dans mon pieux dessein.

— Ho ! ho ! ho ! fit dame Mathurine tout à fait offusquée de ce propos.

— Gros vantard ! murmura frère Étienne.

— Mais le ciel, reprit Guillaume, et le Roi me sauront gré du peu que je fais, ne leur sacrifiant que mon fils unique, ce qui est bien peu de chose. Aussi, je te conjure, Tristan, de ne point marchander ni tes peines, ni ta vie. Il te faut avoir du courage pour quarante et affronter, à toi seul, plus de dangers qu’il n’en faudrait pour épouvanter la plus brave compagnie. C’est la seule façon que tu aies de réparer l’insuffisance de mon dévouement. Je veux que ton nom, qui est le mien, demeure célèbre dans le corps des archers, afin que quelque chroniqueur dise un jour de toi, dans quelque livre immortel : « Il avait reçu de son père de telles leçons de bravoure, qu’il ne se trouvait pas un homme plus indomptable dans toute l’armée ! » Et ne te contente pas, mon fils, d’être terrible aux ennemis du Roi, mais fais-toi craindre de tes compagnons eux-mêmes. Ne souffre pas qu’ils te plaisantent, et si quelqu’un d’entre eux surtout raillait la profession de tanneur devant toi, ne manque pas de le provoquer en champ clos,