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Chroniques du Temps passé.

fût-il beaucoup plus habile que toi et dusses-tu demeurer sur le terrain.

Ah ! si jamais tu me reviens sain et sauf, mon benoît enfant, ou seulement estropié de quelque membre inférieur, comme je te chargerai volontiers de punir les marauds qui ont fait semblant de rire de ton vieux père, à commencer par ce Mathieu Clignebourde qui est un sot et un envieux ! Car, pour ce qui est de les châtier moi-même, je ne le puis, n’ayant pas envie de compromettre la plus pacifique des professions et de perdre une clientèle laborieusement acquise à gratter des peaux de bêtes. Mais c’est affaire à un homme d’armes et à un bon fils comme toi. Tu seras la terreur de Chinon et il ne sera personne osant se servir chez un autre que moi, si tu le regardes seulement de travers.

Malheureusement, ô mon fils, la guerre qui se fait en ce moment est particulièrement meurtrière et il y a gros à parier que quelque méchant soldat de Charles le Téméraire t’enverra ad patres, avant que tu puisses venger les injures de ton propre foyer. Je te donne donc ma suprême accolade, cher Tristan. Ta mère et moi prierons Dieu qu’ils te fassent trépasser de quelque héroïque façon qui nous fasse grand honneur.