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LA CHANSON DU BER

apparaît avec ses berces inégaux et ses quatre colonnes abîmées, sa couleur voyante et sa mine rustique. Il s’incline de droite à gauche, auprès du rouet qui fait rrr… rrr… Oh ! La chanson du ber !… Oh ! la chanson du feu !… Oh ! La chanson de la laine !…

Ces sons voilés, fêlés, semblent vouloir raconter à une petite fille du siècle présent le bon vieux temps. En un langage suranné, ils expliquent qu’en un jour d’enthousiasme qui ne devait pas avoir de lendemain, était arrivée à Ville-Marie l’aïeule courageuse ; que son fils Jean avait été le premier Canadien à grandir dans la petite bourgade ; que l’exemple de sa mère avait été bientôt suivi par d’autres femmes qui, comme elle, ne s’effrayaient pas de l’oubli qui pouvait les envelopper au pays de la neige. Ils disent que toutes se sont associées à l’effort de la colonie, en offrant quelque chose d’elles-mêmes à l’œuvre commencée, et en acceptant avec une égale bonne volonté les heures douloureuses comme les heures éclatantes, sachant qu’aucune action ne meurt, que s’exposer c’est rayonner, qu’aimer la famille c’est aimer la patrie, et que l’avenir dépendait des foyers. Ces murmures usés se font plus clairs pour déclarer que la demi-clarté de leur existence et le réconfort