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LE COUVRE-PIEDS

à la main, sans avoir eu le temps de crier miséricorde, sans avoir pu marquer son corps coupable du signe rédempteur ?… Non, non, ce n’est pas possible… Je me suis endormie, j’ai fait un rêve affreux… Pourtant, non, j’ai bien entendu, c’est Rosalie qui parlait. Oh ! mon sang se glace dans mes veines.

« Elles ont dit : — “Lui marier la fille d’un meurtrier, d’un pendu, un honnête homme comme lui, jamais !” Mon Dieu c’est vrai ! J’étouffe, donnez-moi du courage, il faut que je m’éloigne de cette maison, qui ne peut être mienne. Demain, il trouvera ma bague de fiancée, mais moi, il ne me reverra jamais. J’irai expier le crime de mon père, je le jure sur vos pieds percés, ô Christ, témoin du martyre de mon cœur. Mariette, la fille du meurtrier, Mariette ne sera jamais la femme de François ! »

Doucement, silencieusement, pendant que dans la grande cuisine claire, on causait gaiement, elle ouvrit la fenêtre basse, s’enveloppa dans un long châle sombre, et s’élança dans la nuit noire.

Le lendemain, quand on voulut plier le grand couvre-pieds, si finement piqué, on trouva le mince cercle d’or, sur lequel, comme une larme figée, une perle brillait. Mais on ne revit jamais Mariette,