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LA CONVERSION DE LANDRY

moi ces chevaux-là ; s’ils crèvent, c’est pas vous qui les perdrez. Avance, Prince ; avance, Bayart ! » et le fouet claquait d’une manière menaçante. Tous savaient Guertin homme à tuer ses chevaux là plutôt que de céder. Aussi, devant la sensationnelle expectative d’un événement, en un clin d’œil toute l’équipe fut sur la grève, opinant sur le résultat. « I monteront », « I monteront pas, j’te dis »… « Je paie un gallon de rhum s’ils viennent à bout de haler la charge » clamait le père Capistran, hors de lui, et peu coutumier de vœux aussi téméraires. « J’te prends au motte, vieux baise-la-piastre », riposta Basile que seule une aventure de cette importance pouvait décider à suspendre le chantier.

La position se corsait. Sur une pente vraiment abrupte les vaillantes bêtes luttaient contre toute espérance ; la glaise, détrempée par les orages de la veille, cédait sous leurs sabots ; le poids des longs mélèzes encore vêtus de leur écorce rugueuse, les faisait pénétrer dans la vase, doublant ainsi la difficulté de l’entreprise.

Tiquenne regretta sa promptitude. Il possédait assez de jugeotte pour mesurer l’importance de l’obstacle et entrevoir la possibilité d’un échec. Il usa d’un stratagème digne d’un fils de Normand :