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UNE COURVÉE DANS LES BOIS-FRANCS

que de voyager à pied à travers le bois, sans savoir si on va s’écarter, ou ben si on va périr dans les savanes. Pis porter ce sall là sur nos épaules, c’est ben dur. Je me suis brûlé le dos tant de fois comme ça, qu’il me chauffe encore terriblement, par bouts de temps…

— Ah ! si les Ministres s’étaient fait bordasser comme nous autres dans ces chemins-là, reprit Benjamin, y aurait longtemps que les gros chars passeraient par icite.

— Ah oui, ben sûr firent les autres.

Et les réminiscences se succédaient en même temps que les coups de marteaux retentissaient drus et saccadés.

— Pis on était ben chanceux pour commencer, dit Antoine, quand on pouvait avoir des provisions pour ce sacré sall. Les deux premières années que j’étais par icite, on a hiverné avec not’tinette de lard, pis le printemps, on avait rien que de la galette de sarrazin à manger, pis de la soupe aux racines.

— Nous autres pareil, répliqua François, ça faisait un carême long, mais il faut ben faire pénitence.

— Tout juste, tout juste, approuvèrent les autres ouvriers, qui, leur besogne terminée, ramas-