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LA CORVÉE

— Entrez ! répondit une voix de l’intérieur.

L’homme appuya sur la clenche de fer, et comme la porte s’ouvrait, Jacques, saisi par la soudaine apparition de la misère, se découvrit et resta muet. La tête protégée par un châle, pelotonnée dans un pauvre manteau, une jeune femme, assise sur une boîte — il n’y avait pas de chaises — serrait contre elle un paquet de haillons d’où émergeait vaguement une tête d’enfant. Un bambin de deux à trois ans, tragique comme la faim et le froid, toute la jeunesse de son petit visage abolie par la souffrance, s’était réfugié derrière elle à l’entrée de l’inconnu. Pas de feu dans le petit poêle à fourneau, et pas trace de bois autour. Sur une corde tendue dans un coin quelques langes pendaient raidis et glacés. L’ameublement, presque nul d’ailleurs, décelait la misère noire.

Le cœur du vieillard s’émut. Dans les forêts du Nord, le besoin est chose aussi inconnue que la richesse. L’on travaille dur contre la terre et contre la souche, le vent d’hiver est terrible et secoue les maisons à les faire écrouler, mais il y a toujours un bon feu dans le poêle et dans l’armoire un bon morceau de pain !

— Madame, dit-il à la femme qui se levait, surprise, je suis un colon du Nord, et l’on m’a dit de décharger ici mon voyage d’érable.