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LA CORVÉE

— J’vous d’mande ben pardon, m’sieu André, reprit Leroux, avec un salut cérémonieux qui fit rire les autres. « Permettez-moi d’aller mettre mes gants… Et puis, tu sais, — et sa voix eut soudain un ton de défi, — si tu ne veux embrasser personne, il faut le dire et me passer l’épi : j’embrasserai pour toi »…

— Fais donc ! dit dédaigneusement André. Et il lui tendit l’épi rouge.

Clac ! Un gros baiser retentit qui jeta l’assemblée dans une gaieté folle. Puis on se remit à l’épluchette avec une énergie nouvelle. Tout à coup, André laissa tomber furtivement l’épi dont il venait d’entr’ouvrir l’enveloppe et s’empressa d’en prendre un autre. Mais Leroux, qui devait être pour quelque chose dans ce hasard extraordinaire, jeta le cri d’alarme.

— André en a trouvé un autre !

— Un autre épi rouge ! Mais il n’y en a donc que pour lui ? cria la mère Servan, de loin. Ah ! ben, j’espère ben que c’fois-ci, tu vas l’embrasser !

— Qui ? demanda Leroux, railleur.

— Je n’ai pas trouvé d’épi rouge, dit André, avec dépit. Voyez plutôt.

— Et celui que tu viens d’laisser tomber ? s’écria Leroux. Je le vois d’ici… Il est rouge comme la joue d’ta voisine…