Page:Société Saint-Jean-Baptiste - La corvée (deuxième concours littéraire), 1917.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
TERRE-NEUVE ET FIANÇAILLES

s’œuvre toute grande pour les recevoir. Tout de suite le père demande : « Combien en as-tu ? » — « Une trentaine, reprend Pierre en indiquant des noms, les deux Lafleur, l’oncle Michel, Brunet et ses deux gendres… » — « Bigre, » interrompit le vieux en bourrant sa pipe, « ça va marcher ; de mon temps on n’allait pas de cette allure, les souches tombaient de vieillesse et avec chaque récolte disparaissaient les plus décrépites ; quant aux autres, elles dépassaient longtemps encore les plus beaux épis. » — « C’est qu’alors vous n’aviez pas les machines d’aujourd’hui, et puis, continue Pierre, vous étiez plus seul dans ce temps-là. » — « Ça, c’est bien vrai, » murmure le vieux Grenon, songeur revoyant dans un éclair son arrivée d’il y a quarante ans, « ça c’est vrai ; les faucilles et les javeliers allaient bien entre toutes les souches du monde, mais vos faucheuses et vos lieuses, c’est d’une exigence… Où donc est Viau ? déjà rendu ! » oh, l’insécrable, et le bon vieillard, qui connait bien ces jeunesses sourit des yeux où passe un souvenir. Pascal a filé droit à la maison et cause depuis longtemps avec sa promise. Le dimanche d’avant, au foyer du vieux Baptiste, il a fait la grande demande ; ce soir, après la courvée, la réponse comblera ses vœux. De nouveaux venus causent