Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/193

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de nos pères, cache au moins ceci. Rentre de bon gré dans la Ville et dans ta demeure paternelle, et salue bienveillamment cette terre-ci, car elle le mérite. Mais ta patrie doit être plus honorée encore, elle qui t’a nourri autrefois.

OIDIPOUS.

Ô toi qui oses tout, et qui, plein de ruse, sais donner à tout une apparence de justice, pourquoi me tenter par ces paroles et vouloir me prendre deux fois dans les embûches où je gémirais le plus d’être pris ? Déjà, en effet, lorsque j’étais accablé par mes malheurs domestiques et qu’il m’eût été très-doux d’être jeté en exil, tu m’as refusé cette grâce que je demandais ; et lorsque, m’étant calmé, après m’être rassasié de colère, il m’eût été doux de vivre dans ma demeure, tu m’as chassé et rejeté, sans te soucier en aucune façon de la parenté dont tu parles. Et maintenant, de nouveau, quand tu vois cette ville et toute cette nation me recevoir bienveillamment, tu t’efforces de m’en arracher durement par des paroles flatteuses ! Quelle est donc cette volupté d’aimer ceux qui ne veulent pas être aimés ? Ainsi, rien n’est accordé de ce que vous désirez, et on refuse vivement de vous venir en aide ; et quand votre cœur possède pleinement ce dont il manquait, alors, par une grâce inutile, on vous fait des présents ! N’est-ce point une vaine joie que celle-là ? Tu m’offres de tels dons, excellents en paroles, mais funestes au fond. Je le prouverai à ceux-ci, afin de révéler ta fausseté. Tu viens, non pour me ramener dans ma demeure, mais pour me reléguer aux portes, et, de cette façon, préserver la Ville des dangers dont elle est menacée par ce peuple-ci. Mais ceci ne te réussira point, et le vengeur de mes injures