Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/211

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OIDIPOUS.

Ô Étranger, ne t’étonne point que je parle avec cette effusion à mes enfants qui m’ont été rendues inespérément. Je sais que je ne dois cette joie à nul autre qu’à toi, car aucun des mortels ne les a sauvées, si ce n’est toi. Que les Dieux te donnent tout ce que je te souhaite, et à cette ville, puisque ce n’a été qu’auprès de vous, seuls de tous les hommes, que j’ai trouvé la piété, l’équité et des paroles qui refusent de tromper. Je réponds de ceci par expérience, car tout ce que j’ai, je l’ai par toi, et non par aucun autre des mortels. Tends-moi la main, ô Roi ! tends ta main, que je la touche, et que j’embrasse ta tête, si cela est permis. Mais, qu’ai-je dit ? Comment, moi, qui suis impur, toucherais-je un homme pur en qui ne sont les traces d’aucune flétrissure ? Non, je ne te toucherai point, même si tu le permettais. Les seuls hommes que le mal a éprouvés peuvent prendre part à de telles misères. Je te salue donc là où tu es. Puisses-tu me porter toujours le même intérêt équitable qu’en ce jour !

THÈSEUS.

Je ne suis point étonné que, joyeux de tes filles, tu aies longuement parlé, et que tu aimes mieux leurs paroles que les miennes. Rien de ceci ne me blesse, car ce n’est point par des paroles plus que par des actions que je veux glorifier ma vie. Et je le prouve par le fait lui-même. En effet, vieillard, je ne t’ai point trompé en ce que je t’avais juré, puisque je te ramène tes filles vivantes et saines et sauves. Pour ce combat, bien qu’il ait eu une heureuse fin, il ne me convient pas de le raconter en me vantant, et tu sauras tout de celles-ci. Mais, en venant,