Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/294

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celui-ci approche, le bruit du gémissement se répand confusément autour de lui, et, en soupirant, il dit d’une voix lamentable : — Ô malheureux que je suis ! l’ai-je donc pressenti ? Ce chemin ne me mène-t-il pas au plus grand malheur que j’aie encore subi ? La voix de mon fils a effleuré mon oreille. Allez promptement, serviteurs, et, parvenus au tombeau, ayant arraché la pierre qui le ferme, pénétrez dans l’antre, afin que je sache si j’ai entendu la voix de Haimôn, ou si je suis trompé par les Dieux. — Nous faisons ce que le maître effrayé a ordonné et nous voyons la jeune fille pendue, ayant noué à son cou une corde faite de son linceul. Et lui tenait la vierge embrassée par le milieu du corps, pleurant la mort de sa fiancée envoyée dans le Hadès, et l’action de son père, et ses noces lamentables. Dès que Kréôn l’aperçoit, avec un profond soupir, il va jusqu’à lui, et, plein de sanglots, il l’appelle : — Ô malheureux ! Qu’as-tu fait ? Quelle a été ta pensée ? Comment t’es-tu perdu ? Je t’en supplie, sors, mon fils ! — Mais l’enfant, le regardant avec des yeux sombres, et comme ayant horreur de le voir, ne répond rien et tire l’épée à deux tranchants ; mais la fuite dérobe le père au coup. Alors le malheureux, furieux contre lui-même, se jette sur l’épée et se perce de la pointe au milieu des côtes. Et de ses bras languissants, encore maître de sa pensée, il embrasse la vierge, et, haletant, il expire en faisant jaillir un sang pourpré sur les pâles joues de la jeune fille. Ainsi il est couché mort auprès de sa fiancée morte, ayant accompli, le malheureux, ses noces fatales dans la demeure d’Aidès, enseignant aux hommes par son exemple que l’imprudence est le plus grand des maux.

LE CHŒUR.

Que pressens-tu de ceci ? La femme a disparu avant