Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/410

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LE MESSAGER.

Je ne sais que ceci, ayant été présent moi-même. Kalkhas, étant sorti, sans les Atréides, du cercle où les Rois délibéraient, et ayant mis familièrement sa main droite dans la main de Teukros, lui dit et lui recommanda de retenir Aias dans sa tente, par tous les moyens, tant que le jour luirait, et de ne pas le laisser s’en échapper, s’il voulait le revoir vivant. Et c’était aujourd’hui seulement, à ce qu’il disait, que la colère de la divine Athana devait poursuivre Aias. Et le Divinateur disait aussi que ces hommes d’une taille très haute étaient précipités par les Dieux en de terribles calamités, car, étant hommes, ils ne pensent point comme il convient à des hommes. Dès qu’il quitta ses demeures, il manifesta sa démence en n’écoutant pas les sages conseils de son père. Et celui-ci lui dit ces paroles : — Fils, tente de vaincre par tes armes, mais toujours avec l’aide des Dieux. — Et il répondit arrogamment et stupidement : — Père, avec l’aide des Dieux un homme de rien peut être victorieux. Moi, je suis certain d’obtenir cette gloire, même sans leur aide. — Il se vantait ainsi en paroles orgueilleuses. Puis, à la divine Athana, qui l’excitait et lui commandait de porter une main terrible sur les ennemis, il répondit par cette parole superbe et impie : — Reine, secours les autres Argiens ; là où je suis, jamais l’ennemi ne rompra nos lignes. — C’est par ces paroles et en poussant son orgueil au delà de la destinée humaine, qu’il a excité la colère implacable de la Déesse. Cependant, s’il survit à ce jour, peut-être pourrons-nous le sauver, à l’aide d’un Dieu. Ainsi a parlé le Divinateur, et Teukros m’a envoyé aussitôt te porter ces ordres afin que tu surveilles Aias ; mais si je les ai portés en vain,