Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/113

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anglaise, et ses grâces d’état pour les y découvrir. Des érudits très graves les y ont cherchés après lui, les ont trouvés, à leur tour, et montrés à beaucoup de personnes savantes qui sont persuadées de les avoir vus. Il y aurait de l’impertinence à railler Montesquieu sur ce préjugé de naissance, et l’on doit lui savoir gré de l’avoir présenté avec tant de bonne humeur et si peu de pédantisme. Faisons comme lui, n’y insistons pas, et renvoyons le lecteur à MM. Gneist et Freeman, l’un Allemand, l’autre Anglais, qui tiennent pour Tacite et les forêts ; à M. Guizot et à son plus récent disciple et continuateur, M. Boutmy, qui me paraissent réfuter le préjugé de Montesquieu au moyen de sa propre méthode : ils appliquent ici cette méthode plus largement que Montesquieu ne l’a fait lui-même, lorsqu’ils établissent que la constitution d’Angleterre a des origines beaucoup plus historiques qu’ethniques, et qu’elle est sortie, tout simplement, non des forêts ou des prairies, mais « des nécessités créées par les circonstances ».

Montesquieu analyse cette constitution dans sa maturité et dans ce degré de transformation où elle est devenue assimilable à d’autres États. Il la prend pour définitive ; il en rassemble et en généralise les éléments, comme il l’a fait, pour les républiques de l’antiquité. Il met surtout en lumière cette partie des institutions qui peut être transportée ailleurs. Elle l’a été partout, en effet, non seulement dans les monarchies, mais aussi, avec quelques changements