Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/66

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ment essentiel de l'induction lui manquait : il n’avait point observé de révolutions de ce genre. Tout ce que l'histoire d’Angleterre, et en particulier celle de Cromwell, lui a enseigné, il le met à profit ; mais, en Angleterre même, le côté fanatique et révolutionnaire, au sens moderne du mot, ne l’a point frappé. Il ne s’arrête jamais qu’aux conjonctures politiques. Elles lui fournissent des traits de réflexion remarquables. Celui-ci par exemple : « Il n’y a point d’État qui menace si fort les autres d’une conquête, que celui qui est dans les horreurs de la guerre civile… L’Angleterre n’a jamais été si respectée que sous Cromwell. »

Montesquieu ne domine vraiment son sujet qu’à partir du chapitre V ; il y donne un tableau magistral du monde à l'époque de la conquête romaine. Il étudie, dans le chapitre suivant, les procédés de cette conquête. Ce sont les pages classiques du livre, l’analyse du génie romain et des causes de la grandeur de Rome : l’attachement de chaque citoyen à la cité ; l’amour de tous les citoyens pour la patrie ; leur application constante à la guerre ; leur discipline ; la constitution de leur gouvernement qui concentrait le pouvoir pendant la guerre et qui permettait que, pendant la paix, tout abus de pouvoir pût être corrigé ; la suite et la proportion des desseins ; le talent des Romains à diviser leurs ennemis ; leur aptitude à s’approprier toutes les inventions utiles des autres peuples ; leur art, unique dans l’antiquité, à s’adjoindre les nations qu’ils avaient