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CHAPITRE V

PLAN ET COMPOSITION DE L’ESPRIT DES LOIS

Montesquieu avait environ quarante ans, quand il mit sur le chantier son grand ouvrage. Il en rassemblait les matériaux depuis longtemps. « Je puis dire que j’y ai travaillé toute ma vie, écrit-il. Au sortir du collège, on me mit dans les mains des livres de droit : j'en cherchai L'esprit. » Ce mot, qu’il devait attacher à son œuvre, ne lui appartenait point en propre. Domat, dans son Traité des lois, avait consacré un chapitre à la nature et à l'esprit des lois ; mais il entendait par là le sens propre et profond des législations, « cet esprit qui dans les lois naturelles est l’équité, et dans les lois arbitraires l’intention du législateur. » Cet esprit des lois, Montesquieu n’avait pas à le chercher très loin, et Domat le lui aurait tout directement donné ; mais il désirait dégager autre chose, la raison d’être de la loi et de son efficacité. Le problème ainsi posé cessait d’être juridique et devenait historique. Il ne suffisait pas de scruter sa conscience, d'interroger sa raison et