Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« J’ai d’abord examiné les hommes et j’ai cru que, dans cette infinie diversité de lois et de mœurs, ils n’étaient pas uniquement conduits par leurs fantaisies. » Chercher l’idée qui les mène n’est pas seulement faire œuvre de curieux, c’est faire œuvre de législateur et d’ami de l’humanité. Montesquieu ne sépare point les deux objets. Il juge les hommes « fripons en détail et en gros honnêtes gens ». Il en va, pour lui, de la vie, comme du théâtre : on n’y applaudit que les belles actions et l’on ne s’y accorde que sur les bons préceptes. Il prétend travailler dans l’intérêt de tous : pour « instruire les hommes ». Il veut pénétrer dans chaque État, s’en faire le citoyen, afin de donner à chaque nation la raison de ses usages et de ses maximes ; de faire mieux aimer à chaque homme sa patrie et son gouvernement ; d’apprendre aux peuples comment les États périclitent et comment ils se conservent. Il écrit pour l’homme qu’il se figure à son image « l’homme de bien politique », comme il le nomme, et il estime que « le bien politique, comme le bien moral, se trouve entre deux limites »,

S’il a en vue l’humanité, il considère surtout la France. Il la voit inclinant vers le despotisme, et il redoute que le despotisme ne la conduise à l’anarchie, c’est-à-dire à la forme la plus redoutable de la décadence. Il veut avertir ses compatriotes, ranimer en eux l’amour de la liberté, retrouver et restaurer leurs titres de citoyens. Après avoir montré les desseins de Dieu sur le monde, Bossuet tire, de