Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/12

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bris fragiles tirés de la poussière, tout reprend une forme et une voix ; tout renaît à la vie : tout nous parle des périodes évanouies, des luttes oubliées de ce monde au sein duquel nous nous agitons à notre tour. On déchiffre les palimpsestes ; on devine les hiéroglyphes ; les cavernes d’Ellora, les cryptes d’Eléphantine et de Thèbes, les palais de Persépolis et de Ninive, les acropoles d’Athènes et de Carthage nous rouvrent leurs profondeurs, cachées pendant tant de siècles. Il semble que notre existence s’étende et s’agrandisse par tout ce que nous découvrons derrière nous, par tout ce que nous rêvons au delà. Or, parmi les conquêtes les plus précieuses de la science contemporaine, nous devons placer en un des premiers rangs l’étude des langues et des littératures exotiques.

S’absorber en soi-même, rétrécir son horizon, dédaigner tout ce qui ne nous ressemble pas, c’est la théorie de la frivolité ou de l’ignorance. Les facultés de la nation la mieux douée ne tarderaient point à s’épuiser, si de loin en loin quelque souffle extérieur ne venait la réveiller de sa langueur et lui rappeler qu’en dehors d’elle, souvent au-dessus d’elle, il existe encore quelque chose. Les anciens, s’enfermant par orgueil dans d’étroites barrières, faisaient commencer la barbarie aux limites de leur propre société ; mais les modernes, les Français spécialement, devaient avoir un sentiment plus vif de l’unité, de la fraternité et de la solidarité humaines. Les langues étrangères, qui s’étaient répandues lentement parmi nous, finirent par y devenir à la mode, parfois même au détriment de la nôtre. Mais ce qu’il y eut, à l’occasion, d’excessif dans ce grand mouvement d’idées ne doit pas nous empêcher de reconnaître ce qu’il avait de légitime ; seulement il fallait choisir : une fois qu’on eut séparé l’or des scories, le bon grain de l’ivraie, il se trouva que la moisson était riche et qu’on avait recueilli de véritables trésors. De toutes ces découvertes plus ou moins récentes, il n’en est pas, à coup sûr, de plus intéressante que celle de la littérature sanscrite.