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132 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

ceux-là ont des becs de cygnes, de pies, de geais, des aspects de tortues, de crocodiles, de dauphins, de singes. Les uns imitent le héron, la grenouille, la baleine; les autres ont une foule d'yeux, de larges oreilles, de gros ventres. Tel n'a pas de tète; tel a une tête d'ours, de bélier ou de chien : ils jettent des flammes par tous les pores, et chacun des cheveux de leur front ou des poils de leur corps est enflammé.

On ne trouverait pas aisément dans toute la poésie hellé- nique ou romaine, même dans les plus énergiques peintures du Tartare, une esquisse aussi étrangement horrible que celle-ci. On y remarque une variété innombrable de physio- nomies, de couleurs, de coiffures, de costumes, de parures, d'armes, d'attitudes; tout ce monde joue de la musique, pousse des cris, danse, bondit, s'agite, s'abreuve de Ilots de sang, se repaît de graisse et de chair. Açwatlhàman s'est voué à Siva, et Siva entre en lui; il est désormais invincible. Il pénètre sous la tente de Dhrichtadyoumna, le roi des Pant- chàliens, le meurtrier de son père : il l'y trouve endormi sur de riches tapis, le réveille à coups de pieds, le prend par les cheveux, heurte son front contre la terre, lui foule du talon la gorge et la poitrine et, malgré sa résistance dé- sespérée et ses sourds rugissements, l'écrase comme une bête fauve. Les femmes et les gardes du prince sont glacés de terreur et n'osent l'arrêter; il se précipite vers de nouvelles victimes; elles passent du sommeil au trépas; il les abat par centaines. Soldats, chevaux, éléphants, il perce tout de son redoutable glaive et de son poignard acéré ; le corps rouge de sang, il ressemble au dieu de la mort, et une sorte de furie (kdli) marche devant lui ! Ce sont de continuels épisodes de meurtres, des détails inépuisables dont la monotonie ne saurait affaiblir la vigueur. Les soldats, surpris à l'impro- viste, cherchent en vain à se défendre, ou se blessent les uns les autres dans les ténèbres ; les chevaux hennissent, les élé- phants se sauvent ; le camp est un lac sanglant. Ceux qui échappent à Acwatthàman tombent entre les mains de Kri-

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