Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/183

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LE RAMAYANA. 475

Malheur à moi, barbare, lâche, homme privé de vigueur, incapable même de m'élever jusqu'à la fureur, sans énergie et sans âme ! Une infamie sans pareille, une honte assurée, le mépris de tous me suivront ici-bas comme un criminel!... Chère Kêkéyi, prends sous ta protection un vieillard malheureux, faible d'esprit, soumis à ta volonté et qui ne cherche son appui qu'en toi; ô charmante femme, sois-moi propice ! Si ce n'est là qu'une feinte, dont tu veux user pour pénétrer le fond de mes pensées, triomphe, ô mon épouse au gracieux sourire, triomphe ; je suis de toute manière ton serviteur. Quelque chose que tu désires obtenir de moi, tu l'auras, sauf l'exil de Ràma; oui, tout ce qui est à moi, et même, si tu le veux, ma vie ! »

Tandis que le tout-puissant souverain d'Àyodhyâ tremble et se lamente ainsi devant la marâtre de Râma, celui-ci voit tout se préparer pour son sacre : le trône doré, recouvert d'une peau de lion ; l'eau sainte, puisée au confluent du Gange et de la Yamounâ et versée dans des urnes d'or massif ; les couronnes de fleurs; les offrandes de fruits, de lait ou de miel; le sceptre étincelant de pierreries, le chasse-mouches, l'éventail; un éléphant et un cheval également blancs ; huit belles jeunes filles pompeusement ornées ; des chantres et des panégyristes, mille instruments de musique, tous les éléments du plus splendide cortège. A l'instant où Râma s'apprête à paraître aux yeux de la foule bruyante et émue, on vient le chercher au nom du roi et, à défaut de Daçaratha qui fond en larmes et ne peut parler, c'est Kekeyi qui lui révèle ce qui a été décidé contre lui : son frère Bhârata sera couronné à sa place et, quatorze ans de suite, il devra lui-même habi- ter un ermitage isolé. Tout autre que Râma s'irriterait et se révolterait ; mais c'est un saint, et rien n'égale la sublime élévation de sa conduite. Son pèie l'ordonne ; il se soumettra. Kàusalyâ, sa bonne mère, le supplie de rester, l'engage à désobéir. Que deviendra-t-elle, loin de lui, exposée aux vio- lences et aux insultes de sa rivale ? Lakshmana lui offre, à son tour, de soulever le peuple ; il l'aidera à se venger. Il dédaigne la vengeance ; il déteste la révolte ; il partira, et, quoiqu'il s'y

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