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1/8 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

d'aliment ; ils inaugurent leur existence d'isolement et de pri- vations.

Le cocher Soumantra est revenu à Ayodhyà : il trouve la ville silencieuse, le palais triste, et raconte à Daçaratha les incidents du voyage de son fils, Le vieillard, dont maintenant Kâusalyâ est l'épouse favorite, lui apprend que les maux qu'il souffre sont une expiation divine, le châtiment d'un crime involontaire qu'il a commis jadis, étant jeune et prince royal. Daçaratha était alors à la chasse ; il entendit à travers des buis- sons le bruit d'une cruche qu'on remplissait, et malheureu 1 scment il le prit pour celui que ferait un éléphant dans sa marche. Il lança une de sesilèches: aussitôt cette exclamation s'éleva: « Ah ! je suis mort! » C'était un jeune homme, du nom d'Yadjanadatta, qui était occupé à puiser de l'eau au fleuve ; son père et sa mère étaient l'un et l'autre ermites, vieux et aveugles, et voilà qu'il allait périr victime d'une déplorable méprise. Ses plaintes déchirantes désolèrent le prince, qui avait couru vers lui et qui, en lui arrachant son trait de la poitrine, lui arracha également la vie. L'àme bourrelée de remords, ainsi qu'il le raconte, il se rend vers l'ermitage où languissent les deux parents, chargés d'années, dénués de secours et semblables a deux oiseaux qui ont les ailes coupées. A l'approche de l'étranger, ils se figurent que leur fils re- vient et le grondent doucement sur sa trop longue absence ; Daçaratha navré est contraint de leur avouer l'épouvantable vérité. Il est difficile d'imaginer^une scène plus émouvante (pie celle de ce père et de cette mère, que l'âge accable, qui ont perdu la vue et qui forcent le meurtrier de leur enfant à les soutenir tous, deux et à les guider jusqu'auprès de ce corps glacé :

Impuissants à porter le poids d'un lel chagrin, ils poussent en- semble un cri de douleur et se laissent tomber auprès d'Yadjna- datta, étendu à terre. La mère caresse de sa langue le pâle visage du mort, et gémit de la façon la plus lamentable, pareille à une vache furieuse à laquelle on aurait enlevé son nourrisson: « Yadj-

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