Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/228

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pas; on y signalerait en ce genre plus d’une analogie d’idées ou de style avec les ghazels arabes, les romances espagnoles ou les sonnets italiens. Mais le sentiment intime y est vif et sincère; beaucoup de détails en sont pleins de grâce, et l’élégance de la diction a mérité à cet aimable et touchant poëme l’honneur d’être classé (nous l’avons dit) parmi les productions les plus achevées de la littérature indienne.

III

Le Kumâra-Sambhâva ou l’ Origine du jeune dieu est un

fragment d’épopée mythologique, non sans ressemblance avec la Théogonie d’Hésiode et les Métamorphoses d’Ovide. Le poète s’y proposait de raconter en vingt-deux chants la naissance miraculeuse et les diverses aventures de Kartikéya, dieu de la guerre; sept de ces chants seulement ont été écrits ou du moins nous sont parvenus, et le héros du poëme n’y paraît même pas encore. Il avait pour père le terrible Siva, un des membres de la triade indienne, celui qui renouvelle perpétuellement le monde par des destructions successives ; pour mère Bhavani, qui, sous beaucoup d’autres noms, figurait la nature, tantôt féconde et riante, tantôt sombre et stérile; pour frère Ganéça, dieu de la sagesse. La légende de Kartikéya rappelle parfois les mythes relatifs à Mercure, Apollon, Bacchus, Mars, enfin à tous les jeunes dieux de l’Olympe hellénique : Vâlmiki, dans le Râmâyana, l’avait effleurée ; Kâlidâsa devait la développer dans cette œuvre, qui, bien qu’interrompue, jouissait d’une grande célébrité. Il s’y servit des slokas, ces distiques de mesures inégales, employés habituellement dans l’épopée sanscrite. L’ouvrage s’arrête au cinq cent vingt-troisième distique, c’est-à-dire au tiers de l’étendue qu’il devait atteindre ; c’est encore la mesure d’un livre de Virgile, de deux chants d’Homère, du plus