Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

KALIDASA. 221

long ouvrage d'Hésiode. Ce fragment a tous les défauts ordi- naires aux poésies des Orientaux, des Indiens, de Kàlidâsa lui-même: abus des métaphores, excès de facilité, goût subtil et un peu affecté ; mais on y remarque de l'éclat et de la richesse, une métaphysique assez avancée et un merveilleux qui intéresse.

Tout d'abord, cette œuvre a cela de notable que le fond en est emprunté à une mythologie antique, étrange et même farouche, tandis que la forme en est élégante et polie jusqu'à la mollesse. Des dieux seuls y figurent; mais l'auteur, pous- sant l'anthropomorphisme encore plus loin qu'Homère et que Virgile, leur prête constamment un corps, un langage, des actes humains. Dès le début, nous avons sous les yeux la peinture de l'Himalaya, qui est là non seulement la plus haute montagne du globe, mais une divinité réelle et vivante comme le mont Atlas, le fleuve Acheloùs ou les nymphes Europe, Asie et Lybie de la tradition gréco-latine. Il est puissant et riche ; il se marie ; il a une fille. Dans les vieux systèmes religieux de l'Inde, rien n'était plus commun que les résurrections, les doubles naissances et les incarnations. C'est ainsi que Satî, première femme de Siva, ayant renoncé à sa vie présente, a voulu renaître dans le sein de Mena, femme de l'Himalaya ; elle y renaît effectivement sous le nom d'Uma ou de Pàrvatî. La naissance de cette vierge divine, son éducation, sa beauté tout orientale, fournissent à Kàlidâsa une série de tableaux fort pittoresques dont nous citerons quelques traits, pleins à la fois de couleur locale et de vérité universelle :

Pour tous les objets mobiles ou immobiles de la nature, ce fut un moment délicieux que celui de la naissance d'Uma: les plages cé- lestes s'illuminèrent; nulle poussière ne fut plus soulevée par le vent; des conques harmonieuses résonnèrent dans les airs ; il en tomba une pluie de fleurs. Cette fille, éblouissante de rayons, ajoutait encore à l'éclat du nom maternel... A peine née, elle gran- dit et, de jour en jour, développa ses membres gracieux, comme on voit s'arrondir le croissant delà lune nouvelle... Quoique Himâ-

�� �