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LE THEATRE INDIEN. 261

les poètes se seraient fait scrupule d'ensanglanter la scène et, aussi bien que notre Corneille et notre Racine, ils auraient précipité Camille et Àthalie dans la coulisse avant de les livrer à l'épée d'Horace ou aux poignards des lévites de Joad. Enfin tous les ouvrages dramatiques commençaient pieusement par une invocation aux dieux et par une bénédiction pour les assis- tants, et se terminaient agréablement par un dénoùment heu- reux et des souhaits de bon augure. Quelle désillusion ces jeux pacifiques de Sarasvatî, la Melpomène hindoue, cau- seraient à ceux d'entre nous qui ne rêvent au théâtre que coups de foudre et catastrophes, et qui le quitteraient dé- solés, s'ils n'avaient pas, en sortant, le cerveau torturé de fatigue et le cœur meurtri d'émotions !

Les Indiens sont de terribles gens en fait de classifications et de théories : ils ne le cèdent pas aux Grecs pour la mé- thode, aux Allemands pour la subtilité ; à leur école, Aristote et Longin, Lessing avec sa Dramaturgie et Hegel malgré son Esthétique auraient pu s'instruire encore. Sans préjudice des soûtras ou préceptes de Dhârata, le confident des Dieux, que de traités ils ont consacrés, totalement ou partiellement, à l'art de la scène, du XI e au KlVe siècle ! Ce sont : le Dâsa- Roupaka ou Description des formes théâtrales par Dhamand- jaya \ le Sarasvatî-Canthâbharana en cinq livres, attribué au roi Bhodja; le Kâvya-Prakâsa ou Illustration de la poésie en dix sections par le Cachemirien Mammatta-Dhatta ; le Sangîta-Ratnâcara par Sârngi-Déva; le Sâhîtya-Darpana ou Miroir de la composition en dix chapitres par un pandit du Bengale, le médecin Wiswanàtha, auquel nous revien- drons, et beaucoup d'autres recueils du même genre, où la précision touche à la subtilité. On en a extrait sur le système dramatique des Indiens de longs détails, qu'il con- vient de rappeler en les abrégeant. Ils avaient dix espèces de pièces de premier ordre et dix-huit espèces de pièces secon- daires; celles-ci, parfois écrites dans des dialectes provinciaux, étaient plus populaires, devaient être destinées à des specta-

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