Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/270

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teurs beaucoup plus nombreux et étaient exécutées par des artistes de profession. Tantôt, ornées de chansons et de danses, elles exposaient tel ou tel incident des légendes fabuleuses : par exemple, une partie des aventures amoureuses et guerrières du dieu Krishna ou du héros Ràma. Tantôt elles retraçaient des scènes bouffonnes, et le dialogue y était à peu près abandonné au caprice des acteurs, comme dans les improvisations de la comédie italienne. Jusque vers notre époque, on en a joué dans diverses parties du pays quelques-unes qui, empreintes de l’esprit de secte, étaient devenues des amplifications en l’honneur de Wishnou ou de Siva, remplies de récits surannés ou de descriptions oiseuses.

Mais l’idéal du théâtre indou s’élevait plus haut, et un drame, digne de ce nom (nâtaka), était soumis à des conditions rigoureuses, à des règles sans nombre. Il y fallait. : un sujet important et célèbre, puisé surtout dans la fable ou dans l’histoire, rarement emprunté r à la iiction pure ; des types éminents et respectables ; pour héros, un monarque ou un dieu; pour mobiles, de nobles passions, la tendresse, la bravoure, le patriotisme, la piété ; une action simple, mais suivie, entremêlée de narrations, mais dégagée d’épisodes inutiles; une diction élégante sans affectation et claire sans trivialité; une étendue convenable, qui variait en moyenne de cinq à dix actes. On y poussait le décorum à l’extrême ; on y fuyait les moindres apparences du réalisme. Outre que verser le sang sur la scène eût été une sorte de sacrilège, il était malséant d’y annoncer expressément la mort du principal personnage ; malséant, d’y exposer une lutte violente, des imprécations, un bannissement, une dégradation, une catastrophe nationale; malséant, d’y donner en spectacle des particularités vulgaires comme de cracher ou de mordre, de manger ou de dormir, de se baigner ou de se parfumer, d’embrasser quelqu’un ou même de célébrer les cérémonies d’un mariage. En dehors et au-dessous de ce modèle, pour ainsi dire parfait, venaient les autres œuvres moins régulières,