Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/28

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d’autres gagnèrent le sud et devinrent les Perses et les Indiens. Alexandre et Porus, les Anglais et les Hindous appartenaient donc à une même famille ; le même sang coulait dans les veines des vainqueurs et dans celles des vaincus. C’est un fait que la linguistique comparée établit d’une manière incontestable : les mots les plus essentiels, ceux qui se rattachent aux relations naturelles, à la nourriture, à la vie domestique et agricole, se retrouvent chez tous ces enfants d’une race unique. Seulement, quelle différence entre leurs destinées ! Les émigrants qui, du Tibet et de la mer d’Aral, se répandirent jusqu’aux bords extrêmes du couchant, ont joué un rôle brillant dans le drame de l’histoire. Développant sous mille formes l’activité dont ils étaient doués, ils ont porté jusqu’à la perfection les sciences, les arts et les lettres ; ils ont épuré leur sens moral et cherché les progrès sociaux ou politiques ; ils se sont montrés conquérants et législateurs. Ceux des Aryens qui prirent la direction opposée paraissent s’être éloignés beaucoup plus tard du foyer commun.

À travers les ombres d’un passé évanoui, on les entrevoit qui franchissent lentement les défilés de l’Himalaya et qui descendent vers le pays des sept rivières (les cinq du Pendjab, l’Indus et la Sarasvatî). Ils écrasèrent ou chassèrent les peuplades aborigènes qu’ils rencontrèrent sur leur passage ; s’avançant le long des fleuves, ils firent la découverte et la conquête des vallées les plus riantes et les plus fertiles : dès lors, l’Inde était à eux. Ils y vécurent, bien longtemps ignorés, plus ou moins tranquilles, protégés contre l’invasion étrangère, dans cette longue période, par les montagnes et par la mer. M. Müller indique chez eux trois phases successives de révolutions, qu’il compare, toutes différences gardées, à trois époques de la société grecque : d’abord, un conflit entre les diverses classes, qui se termina, en Grèce par la chute des tyrannies et l’établissement des républiques, dans l’Inde par l’abaissement des kshattryas ou nobles et la prédominance des Brâhmanes, grâce aux exploits du terrible