Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/363

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héroïne convenable, et en les définissant l’une après l’autre à l’aide d’une multitude d’exemples. Il faut renoncer à reproduire cette énumération qui constituerait, à vrai dire, un petit dictionnaire psychologique.

Il est question ensuite des regards et de la démarche des vierges, des ingénues et de toutes les héroïnes en général ; les doutes de l’innocence, les manèges de la coquetterie, les subterfuges de l’amour, sont finement analysés : on sent que nos deux docteurs étaient en même temps d’agréables poètes et des hommes du monde. Bornons-nous à une citation du texte de Viswanâtha sur les actes et les habitudes de toute héroïne amoureuse :

Elle veut toujours garder son bien-aimé près d’elle; elle ne paraît pas sans avoir peint le tour de ses yeux. A l’occasion, faisant semblant de cacher ou de rattacher sa chevelure, elle laissera voir les fossettes de ses bras, son col ou sa poitrine belle comme le lotus. Elle accueille les serviteurs de son amant par des paroles aimables ou des présents ; elle met sa confiance dans les amis qu’elle lui connaît et les traite avec beaucoup de déférence. Au milieu de ses compagnes, elle le vante ; elle lui abandonne sa fortune entière; elle dort quand il dort, souffre de ses chagrins et se réjouit de son bonheur; elle se tient sur sa route, afin de l’appercevoir longtemps à distance; devant lui, elle parle aux compagnons qu’il amène; au moindre symptôme d’affection qu’il trahit, elle rit de tout cœur. De même, en son agitation, elle se frotte l’oreille; elle dénoue et renoue ses cheveux; elle bâille; elle al- longe ses membres; elle saisit un enfant qui est là et elle l’embrasse; elle commence à peindre, suivant la coutume, le front d’une de ses amies ; puis elle écrit sur le sol avec la pointe de son pied, en levant vers le ciel des regards profonds. Elle se mord les lèvres et baisse les yeux en s’adressant à ce mortel favori; elle ne quitte point l’endroit où elle devra le revoir. Elle va chez lui sous un prétexte quelconque d’affaires ; elle ne cesse de regarder les objets qu’il lui a donnés et qu’elle a placés sur elle. Dans sa société, elle est toujours heureuse; elle languit et maigrit en son absence; elle admire à l’excès ses talents et elle préfère tout ce qu’il aime; elle lui demande en souvenir des choses de la moindre valeur et, même quand elle sommeille, elle est tournée vers lui.