Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/82

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peut être obtenue par l’union de la femme dûment autorisée avec un frère ou tout autre parent. » Le docile Vyâsa obéit et va trouver la veuve ; tout savant et vertueux qu’il était, ses yeux étincelants, ses cheveux tressés, sa barbe longue, ses noirs et épais sourcils le rendaient peu attrayant. Ambîka eut peur et ferma les yeux ; mais elle céda. Le sage lui annonça sévèrement que, pour avoir eu peur, elle concevrait un fils aveugle. Une deuxième fois, il revint vers elle ; n’osant plus fermer les yeux, elle pâlit involontairement, et Vyâsa de lui dire que, pour avoir pâli, elle enfanterait un fils d’une blancheur maladive. Enfin, à une troisième rencontre, elle substitua à elle une de ses esclaves, qui fut moins rebelle, et le mouni trompé lui prédit la naissance d’un enfant rempli de mérite. Trois enfants vinrent donc au monde, plus ou moins rattachés à la famille de Santânou et également exposés à la déchéance : car le premier, Dhritarâchtra, était aveugle ; le second, Pândou, était affecté de la lèpre blanche, et le troisième, Vidoura, rattaché par sa mère à une caste inférieure, ne pouvait aspirer au rang des Kschattryas ; il se contentera d’être le plus habile des conseillers.

Ces frères vivent en bon accord ; c’est à la génération suivante que les haines et les luttes doivent éclater. Bhîchma, leur aïeul, fait, demander par Dhritarâchtra la main de la fille de Soubala, roi de Gândhâra ou Kandahar ; celui-ci, après quelque hésitation, accepte ce gendre, infirme, il est vrai, mais issu d’une si noble famille ; quant à la jeune fille, Gândhârî, en sachant que son fiancé est aveugle, elle prend un morceau d’étoffe, le plie en quatre, se l’applique sur les yeux comme un bandeau et jure de le garder sans cesse, en s’écriant : « Mon mari n’aura rien à m’envier ! » Exemple rare d’abnégation, digne des saints les plus purs et les plus mystiques du Christianisme ! Outre un fils né d’une servante, Dhritarâchtra eut de son héroïque compagne cent garçons et une fille, par des procédés étranges qu’il faut citer littéralement. Ayant donné au sage Vyâsa, qui entrait chez elle, ac-