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au bord du lac.

et l’attention consciencieuse avec laquelle il s’acquittait du travail qu’on lui confiait le rendait presque aussi utile qu’un homme. Employé comme pinceauteur dans les immenses ateliers de M. Kartmann, qui comprenaient la fabrication du coton depuis le filage jusqu’à l’impression, il avait souvent admiré les planches gravées, au moyen desquelles des toiles blanches se trouvaient transformées en élégantes indiennes ; cette observation attentive avait fini par devenir pour lui le motif d’un vif désir et d’une vague espérance. Être admis dans l’atelier de gravure pour y apprendre à composer ces planches précieuses fut bientôt le rêve de toutes ses heures. Sans se rendre encore bien compte de ses projets, il aimait à songer qu’il pourrait peut-être un jour changer sa position contre celle de graveur, car il avait cette ambition louable qui fait souhaiter à l’enfant de s’élever par son courage et son industrie. Il songea d’abord à obtenir de son chef la permission de détourner quelques heures de son travail pour apprendre l’état qu’il désirait ; mais il s’effraya à l’idée de solliciter une telle faveur. Son expérience l’avait convaincu, d’ailleurs, que tout est possible à une volonté ferme ; il résolut donc de se rendre à l’atelier de gravure pendant l’heure des repas et de s’y exercer en secret. Un jeune apprenti de cet atelier, qu’il avait mis dans sa confidence, lui indiqua les moyens mécaniques de sa profession, et au bout de quelque temps Frédéric était capable de graver passablement un dessin peu compliqué.