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Smolensk, à Moscou, l’accompagne dans sa retraite, passe la Bérésina, traverse Kœnigsberg, Dantzig, Brunswick, Cassel, Francfort, Mayence, et, au terme de cette épuisante randonnée, se retrouve à Paris, le 31 janvier 1813. Après y avoir attendu une préfecture qu’on ne lui donne pas, il repasse le Rhin et fait la campagne de Saxe, prend une part active — d’ailleurs grossie par l’intéressé — à l’échauffourée de Niedermarkersdorf et, quelques jours plus tard, au sujet sans doute de cet incident, a une entrevue avec l’empereur à Goerlitz. Il est à ce moment l’intendant de la division Latour-Maubourg. Il « bâille un peu ». Atteint d’une fièvre nerveuse, il va se guérir en Italie, dans les plaisirs de Milan et les bras de la Pietragrua. Sa cure lui prit presque tout l’automne de 1813.

L’invasion le ramène en France. On l’attache au sénateur Saint-Vallier, commissaire extraordinaire de la septième division militaire, pour organiser la résistance dans le Dauphiné. Il y déploie une grande activité et témoigne un patriotisme qu’on aurait pu ne pas attendre de ce cosmopolite. Mais, repris par sa fièvre, écœuré par surcroît des jalousies qu’il provoque dans son petit monde de Grenoble et des sarcasmes que lui valent ses prétentions nobiliaires (il signait de Beyle les proclamations aux Dauphinois), il se fait remplacer dès le 18 mars et s’en vient à Paris, où ce futur napoléonien adhère aux actes du Sénat et se rallie aux Bourbons, avec le ferme espoir d’obtenir un consulat à Naples. Espoir déçu. Les vicissitudes et les mécomptes de cette période reçoivent leur dénouement normal : il retourne à Milan et à sa Milanaise.

L’Italie, cette fois, le garde longtemps, de 1814 à 1821. Mécontent des Bourbons, il leur est sévère, sauf à la romanesque et aventureuse duchesse de Berry, « la petite princesse », comme il l’appelle. Par désœuvrement autant que par goût, il se fait homme de lettres et publie en 1814 son premier ouvrage, qui n’est guère encore qu’un plagiat, Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase « par Louis-Alexandre-César Bombet ». En 1817 il signe des initiales M. B. A. A. (M. Beyle, ancien auditeur) son Histoire de la peinture en Italie, qu’il dédie à Napoléon ; cette même année, il trouve son pseudonyme définitif de Stendhal, qu’il emprunte à une petite ville allemande, et l’inscrit sur la couverture de