Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/223

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— Mettez-vous en noir demain pour venir me voir.

— J’obéirai, dit Fédor ; mais pourquoi ce costume si triste ?

Un de mes cousins vient de mourir ; il était marchand de fromage.

Elle fut amusée de l’effet que ce détail produisit sur le beau jeune homme.

— Si jamais ceci se sait, se disait-il, en regagnant tristement le château, je suis perdu de ridicule.

Il demanda à sa mère la permission de retourner à Paris. Probablement il n’eût pas eu le courage d’y rester, mais il fut refusé. « Enfin, se disait-il le lendemain en allant au rendez-vous qui, ce jour-là, était dans une cabane de sabotiers d’un bois voisin, que l’on nie encore les progrès du jacobinisme : me voici portant le deuil d’un marchand de fromage ! »

Lamiel, le voyant bien exactement en deuil, lui dit :

— Embrassez-moi.

Le pauvre enfant pleura de joie. Mais Lamiel n’éprouva d’autre bonheur que celui de commander. Elle lui permit de l’embrasser, parce que, ce jour-là, sa tante venait de lui faire une scène plus vive encore qu’à l’ordinaire sur ses fréquents rendez-vous avec le jeune duc, qui faisaient l’entretien du village. C’était en